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Une attractivité dès ses débuts
Dès son implantation dans les foires et parcs de loisirs, à la fin des années 1920, le photomaton incite à l’amusement, mais suscite aussi la transgression face à la consigne affichée sur toutes les cabines “Il ne faut pas rigoler avec vos photos d’identité”.
Comme l’écrit Clément Chéroux dans le livre "DERRIÈRE LE RIDEAU, l’esthétique Photomaton“ :
Depuis son apparition les artistes se sont emparés du photomaton sans y être incités et en ont détourné l’usage ; le photomaton lieu où s’incarnent les identités. Avec l’arrivée du multiculturalisme et de la globalisation, l’art ne cesse de poser des questions de construction et de déconstruction de l’identité sociale, ethnique, sexuelle, communautaire, etc...”
De nombreux artistes vont investir la cabine Photomaton. Son automatisme, son exiguïté, le format de la planche photo, et la contradiction entre à la fois sa position publique et l’intimité que permet symboliquement le rideau, vont favoriser une démarche artistique.

Dès 1929, les Surréalistes utilisent intensément la cabine photomaton, elle leur offre une expérience similaire à celle de l’écriture automatique mais dans le portrait. Ils réalisent le fameux portrait collectif “Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt”. Les clichés photomaton de Louis Aragon, Luis Bunuel, Paul Eluard, Salvador Dali, Marx Ernst et André Breton encadrent un tableau de René Magritte représentant une femme nue.
Dans les années 60, Andy Warhol, artiste américain (peintre, producteur musical, auteur) va installer une cabine photomaton à la Factory et réaliser de nombreux portraits dont certains feront l’objet d’une sérigraphie. L’un deux Ethel Scull 36 times est considéré comme une œuvre majeure du pop’art.
Roland Topor, artiste français multidisciplinaire, (peintre, écrivain, cinéaste, poète) crée les “Topor-Maton”. Il inscrit une courte phrase, dans la case correspondant à chacune des 4 photos, créant ainsi un petit roman.
Franco Vaccari, artiste italien (photographe, poète et cinéaste) a développé des projets d’exposition conçus en temps réel. Lors d’une exposition à la Biennale de Venise, en 1972 il fait installer une cabine Photomaton, dans laquelle le public se prenait en photo et laissait une trace de son passage. Les photos étaient ensuite rassemblées et exposées sur un mur de l’exposition. Cette expérience a été étendue sur tout le territoire italien puis à Prague et à Tokyo.
Depuis les années 70 Cindy Sherman, artiste photographe américaine et plus tard Gillian Wearing, artiste photographe britannique, ou encore Tomoko Sawada, artiste photographe japonaise, utilisent le travestissement et la mise en scène photographique pour réaliser des autoportraits interrogeant l’identité, le passage du temps et les conventions culturelles contemporaines.
Jan Wenzel, artiste allemand et Daniel Minnick, artiste américain s’intéressent plus particulièrement à la bande photo. Ils réalisent des compositions par découpages ou traitement chimique de ces clichés, créant ainsi des mondes fictifs.
Depuis les années 2000, Valentine Fournier, artiste française, utilise des photos d’identité photomaton, qu’elle transfigure par différents motifs, de brefs messages, ou met en scène dans des cadres ou boites aux formes diverses. Elles sont les marques du souvenir, du passage du temps, du lien entre les époques.
Après avoir exposé un portrait géant de milliers de visages au Panthéon, JR, artiste français accompagné de la cinéaste Agnès Varda, cinéaste, photographe, plasticienne française poursuit ses portraits photomaton d’inconnus en grand format. Ils réalisent “Visages, Villages”, documentaire sur les rencontres et portraits faits au cours de leur voyage en France avec un camion photomaton XXL.
Actuellement, environ une centaine d’artistes, ayant une démarche très variée et s’exprimant à travers différents médium (photographie, peinture, sérigraphie, vidéo..) a réalisé plus de 700 œuvres modernes et contemporaines à partir d’un photomaton.
Photomaton se la joue
Le photomaton est un élément de narration, et de décor pour un grand nombre de romanciers et de cinéastes. Il est présent, notamment dans les romans de Blaise Cendrars, Daniel Pennac, Hervé Guibert, Patrick Modiano...
Au cinéma, par exemple, c’est un lieu où l’on danse (Vincente Minelli The band wagon), d’intimité (Masculin, féminin de Jean Luc Godard et Comment je me suis disputé ...ma vie sexuelle d’Arnaud Desplechin) où l’on vit la fin d’une liaison (nous nous sommes tant aimés d’Etorre Scola). C’est chez Wim Wenders que le photomaton est le plus présent (Alice dans les villes, Paris Texas, Les ailes du désir..)
En 2001 Jean Pierre Jeunet, réalisateur et scénariste français réalise le film “Le fabuleux destin d’Amélie Poulain” avec Audrey Tautou et Mathieu Kassovitz. Ce film est inspiré de l’histoire de Michel Folco, photographe et écrivain qui à partir des années 80 a collectionné et répertorié par thématiques, des photos d’identité trouvées autour des cabines photomaton.

Il s’agit d’un des plus gros succès commerciaux mondiaux pour un film français. Il a obtenu 4 césars dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur
En 2012 s’est tenue durant 3 mois l’Exposition “Derrière le rideau L’esthétique Photomaton” au Musée de l’Elysée à Lausanne. Organisée par Sam Stourdzé (directeur du Musée de l’Elysée), Clément Chéroux (conservateur de la photographie au Centre Pompidou) et Anne Lacoste (conservatrice des expositions Musée de l’Elysée), cette exposition regroupait plus de 600 œuvres d’une soixantaine d’artistes modernes et contemporains et tentait par une approche presque métaphysique ; révéler à travers l’influence d’un système automatique et bon marché, la personnalité et la richesse de l’Homme, son identité collective.....

Au programme, conférences autour du portrait collectif des surréalistes “Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt”, visites guidées, ateliers pour enfants et le prêt, pour l’occasion, d’une cabine des années 30, à disposition du public pour une photo “vintage”.
Cette exposition présentée également à Bruxelles et à Vienne était accompagnée d’un livre de plus de 300 pages, édité sous la direction de Clément Chéroux et Sam Stourdzé.
A lire pour de plus amples informations
Photomaton Raynal Pellicer – Editions de la MartinièreDerrière le rideau, L’esthétique Photomaton Clément Chéroux et Sam Stourdzé - Musée de l’Elysée- Editions Photosynthèses
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